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XV de France - "Diamants bleus" : comment le rugby français est porté par ses jeunes depuis 2018

  • Nicolas Depoortere, Damian Penaud ou Nolann Le Garrec ont tous brillé avec les Bleuets avant de percer en professionnel.
    Nicolas Depoortere, Damian Penaud ou Nolann Le Garrec ont tous brillé avec les Bleuets avant de percer en professionnel. Icon Sport - Sandra Ruhaut
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Depuis l’été 2018, et malgré un dernier Tournoi plutôt poussif, l’équipe de France des moins de 20 ans rafle tous les titres mondiaux de sa catégorie. Dans le sillage de cette extraordinaire réussite, c’est tout le rugby français qui bombe le torse et rêve à une semblable baraka, au niveau supérieur…

Un jour de Crunch, l’ancien sélectionneur de la Rose et actuel patron sportif du Japon, Eddie Jones, nous avait confié ceci : "Aucun autre pays ne possède autant de bons joueurs que la France. Même l’Afrique du Sud me semble aujourd’hui moins bien lotie, en termes de talents : à mes yeux, la FFR pourrait positionner trois équipes en Coupe du monde, elles auraient toutes trois une chance de se qualifier pour les quarts de finale de la compétition". Le bon Eddie, jamais avare d’une hyperbole, a pourtant raison sur la capacité contemporaine du système français à polir ses diamants. Vainqueurs de la Coupe du monde des moins de 20 ans en 2018 et 2019, les Bleuets ont donc réitéré l’exploit l’an passé, accomplissant même en cette année 2023 un record : jamais, avant eux, une équipe nationale n’était en effet parvenue à conserver la couronne mondiale sur une période de six ans. Par souci d’honnêteté, on vous signalera néanmoins qu’en raison de la pandémie de Covid, aucun des Mondiaux 2020, 2021 et 2022 ne fut disputé…

Il n’empêche : la régularité des jeunes champions tricolores dans la catégorie des moins de 20 ans interpelle et ne tient pas seulement -comme on l’a si souvent entendu- à l’apparition d’une somptueuse génération spontanée mais bien à un travail de longue haleine en matière de détection, comme aux bienfaits évidents de la politique des JIFF mise en place par la LNR il y a quelques années. Dernièrement, le patron sportif des Bleuets Sébastien Calvet contait dans Midol : "Avant la dernière Coupe du monde, nous avons eu accès à des données établissant qu’à tous les postes, nos joueurs sont ceux qui ont le plus joué au niveau professionnel. La comparaison nous est donc favorable par rapport aux autres nations, mais aussi à nos propres observables puisque cette génération a déjà beaucoup plus joué en Top 14 ou en Pro D2 que celles qui l’ont précédée. Sur le terrain, on s’aperçoit ainsi que les joueurs qui ont un vécu chez les pros réagissent différemment que les autres, dans des périodes de forte pression". Parmi ceux qui défendront la couronne française cet été en Afrique du Sud, beaucoup sont des familiers de nos week-ends de Top 14 ou de Pro D2 : on pense ici au géant catalan Posolo Tuilagi, également capé avec le XV de France, au numéro 8 de l’Union Bordeaux-Bègles Marko Gazzotti, à l’arrière de la Section paloise Théo Attisogbe, au trois-quarts centre de l’ASMCA Léon Darricarrère, au demi de mêlée de Brive Léo Carbonneau, aux Rochelais Nathan Bollengier et Hugo Reus, ou encore à Mathis Castro-Ferreira, excellent et davantage avec le Stade toulousain, cette saison. Parmi ceux ayant déjà été adoubés à l’échelon supérieur, on nommera en vrac Nicolas Depoortere, Louis Bielle-Biarrey ou Emilien Gailleton, tous capés ou en passe de l’être, cet été en Argentine.

Les Bleuets d'Hugo Reus (au centre) ont été sacrés champions du monde en 2023.
Les Bleuets d'Hugo Reus (au centre) ont été sacrés champions du monde en 2023. Steve Haag / Icon Sport

Tout un système repensé

En tout état de cause, l’abandon du Pole France, qui regroupait naguère les jeunes talents français à Marcoussis sur de très longues périodes, n’a pas eu d’effet néfaste sur la production de talents. A nos confrères d’Actu Rugby, Sébastien Piqueronies, actuel manager de la Section paloise et sélectionneur des Bleuets en 2018 et 2019, disait ceci : "Dans mon esprit, le Pôle France perdure : les joueurs y sont listés, sauf qu’ils ne sont plus entraînés quotidiennement par les staffs nationaux, mais au plus proche de leur écosystème de club. Tout simplement parce que les clubs sont compétents et capables de les aider à se développer. C’est un luxe, une chance : quel autre pays au monde peut se targuer d’avoir trente centres de formation ? C’est une preuve d’intelligence de se servir de ces ressources". Si jusqu’en 2017, les rugbymen français les plus prometteurs étaient donc regroupés dans le cocon du Pole France à Marcoussis, les dirigeants fédéraux ont depuis fait le choix de laisser les espoirs faire leurs armes dans leurs clubs et à balles réelles, serait-on tenté d’écrire. Florian Grill, le patron fédéral, confie : "Je ne veux pas faire de mauvaise politique : la gouvernance précédente a aussi fait de très bonnes choses. Le rapprochement des clubs et leur importance dans le processus de formation fait effectivement partie de notre écosystème". Pour autant, Grill et la FFR réfléchissent encore à perfectionner le modèle en question : "On considère qu’on a charge d’hommes et que le volet scolaire, l’éducation et les études, doivent rester des préoccupations de premier plan. On réfléchit donc à densifier le maillage territorial, pour mieux géolocaliser nos académies. Il ne faut pas déraciner les gamins trop tôt. Des études sérieuses montrent en effet que chez les jeunes, un éloignement de plus de 200 kilomètres de leur domicile est contradictoire avec l’idée même de haute performance. Ces gamins et gamines n’ont pas seulement vocation à devenir de grands joueurs. Ils vont surtout devenir des hommes et des femmes".

En 2018, les Bleuets d'Arthur Vincent étaient eux aussi sur le toit du monde.
En 2018, les Bleuets d'Arthur Vincent étaient eux aussi sur le toit du monde. Icon Sport - Alexandre Dimou

Des dents ont grincé, pourtant…

Il va de soi que cet été, les jeunes champions français feront une nouvelle fois partie des grands favoris de la compétition planétaire. Ici, on entend pourtant vos réserves : pourquoi n’ont-ils pas écrasé le dernier Tournoi des 6 Nations de la catégorie, s’ils sont si puissants ? Pourquoi, malgré une supériorité physique et technique évidente, ont-ils été blackboulés par l’Angleterre lors de cet ultime round disputé au stade du Hameau, mi mars (31-45) ? À ce sujet, on a peut-être une explication : au fil de la compétition hivernale venant de s’achever, Sébastien Calvet a utilisé pas moins de 52 joueurs pour composer son équipe de France, au gré des cinq matchs disputés par celle-ci : un week-end, Théo Attisogbe et Mathis Castro-Ferreira étaient réquisitionnés par leurs employeurs respectifs ; l’autre, c’étaient Marko Gazzotti et les Brivistes (Léo Carbonnel et Mathis Ferté) qui étaient au front avec leurs clubs.

Sur chaque doublon Tournoi / championnat, les responsables sportifs des moins de 20 ans tricolores se sont donc maintes fois demandés si les Bleuets apprenaient davantage en club ou bien en disputant une compétition internationale, toute « juvénile » soit-elle. On saura, dès juin, si le rugby pro a une nouvelle fois fait des Bleuets des machines à détruire ou si, pour la première fois depuis très longtemps, il a empêché ces joueurs d’avoir un vécu collectif et une parfaite maîtrise d’un projet de jeu qui se veut transgénérationnel, puisque c’est ainsi que le sélectionneur national Fabien Galthié le décrit, à Marcoussis.

Les champions du monde par club depuis 2018

TOULOUSE 2018 : Daniel Brennan, Guillaume Marchand, Romain Ntamack, Matthis Lebel, Maxime Marty, Lucas Tauzin. 2019 : Paul Mallez, Thibault Hamonou, Matthis Lebel. 2023 : Thomas Lacombre, Mathis Castro-Ferreira, Paul Costes.

TOULON 2018 : Jean-Baptiste Gros, Louis Carbonel. 2019 : Jean-Baptiste Gros, Théo Lachaud, Florent Vanverberghe, Louis Carbonel, Mathieu Smaïli, Antoine Zeghdar.

LA ROCHELLE 2018 : Thomas Lavault. 2019 : Matthias Haddad. 2023 : Louis Penverne, Alexandre Kaddouri, Oscar Jégou, Hugo Reus.

BORDEAUX-BÉGLES 2018 : Maxime Lamothe, Cameron Woki, Jules Gimbert, Iban Etcheverry.
2023 : Zaccharie Affane, Nicolas Depoortere, Maël Moustin.

GRENOBLE 2018 : Killian Geraci, Antonin Berruyer. 2019 : Éli Églaine, Killian Geraci. 2023 : Barnabé Massa, Marko Gazzotti.

AGEN 2018 : Clément Laporte. 2019 : Alex Burin, Gauthier Maravat, Loïc Hocquet. 2023 : Pierre Jouvin.

PAU 2019 :Rayne Barka, Vincent Pinto. 2023 : Hugo Auradou, Brent Liufau, Théo Attissogbe, Clément Mondinat.

LYON 2018 : Pierre-Louis Barassi, Adrien Séguret. 2019 :Quentin Delord, Ethan Dumortier. 2023 : Arthur Mathiron.

RACING 92 2018 : Hassane Kolingar, Ibrahim Diallo, Jordan Joseph. 2019 :Jordan Joseph. 2023 : Lino Julien, Noa Zinzen.

CLERMONT 2018 : Giorgi Beria. 2019 :Giorgi Beria, Donovan Taofifenua. 2023 : Thomas Duchene, Baptiste Jauneau.

BRIVE 2018 : Demba Bamba. 2023 : Léo Carbonneau, Mathis Ferté, Maxence Biasotto.

MASSY 2018 : Pierre-Henri Azagoh, Jordan Joseph. 2023 : Andy Timo.

MONTPELLIER 2018 : Arthur Vincent. 2019 : Arthur Vincent. 2023 : Lenni Nouchi.

STADE FRANÇAIS 2018 : Charlie Francoz, Arthur Coville. 2019 : Julien Delbouis.

BAYONNE 2018 : Ugo Boniface. 2023 : Esteban Capilla.

PERPIGNAN 2018 : Alban Roussel. 2023 : Posolo Tuilagi.

OYONNAX 2018 : Sacha Zegueur. 2019 : Sacha Zegueur.

MONT-DE-MARSAN 2019 : Léo Coly, Alexandre De Nardi.

PROVENCE RUGBY 2023 : Léo Drouet.

BIARRITZ 2019 : Mathieu Hirigoyen.

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Les commentaires (2)
envoituresimone Il y a 7 jours Le 26/04/2024 à 19:09

C'est pour moi un gros plaisir de voir jouer ces jeunes avec tant d'entrain de talent et de discipline depuis 2018. Cela paiera un jour d'avoir préparé tant de talents.

Borenth51 Il y a 8 jours Le 25/04/2024 à 09:56

Article très intéressant. Merci