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Top 14 - "J’ai adoré cette sensation si spéciale d’être aimé par le peuple" sourit Mateo Carreras (Bayonne)

  • Top 14 - Mateo Carreras s'épanouit dans le pays Basque.
    Top 14 - Mateo Carreras s'épanouit dans le pays Basque. Icon Sport
Publié le Mis à jour
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C’est en février dernier que Mateo Carreras (24 ans) a posé ses valises sur la Côte basque, en tant que joker médical de Luke Morahan. Il a, depuis, enchaîné quatre titularisations en Top 14. Révélation de la Coupe du monde 2023, l’ailier nous a accordé un long entretien en milieu de semaine dernière. Dans sa langue maternelle, l’Argentin a raconté les raisons qui l’ont poussé à signer à Bayonne, a retracé le fil de sa carrière, est revenu sur la dernière Coupe du monde et a parlé du lien fort qui existe entre Basques et Argentins.

Pourquoi avez-vous décidé de venir à Bayonne ?
Lorsque la Coupe du Monde s’est terminée, j’ai discuté avec quelques clubs et Bayonne m’a convaincu. L’Aviron avait déjà mis en place un processus à long terme, auquel j’allais pouvoir participer à partir de maintenant. Lorsque j’ai discuté avec Philippe Tayeb, il m’a présenté jusqu’où il voulait amener le club en Top 14. Tout ça m’a plu.

Où veut-il faire arriver l’Aviron à terme ?
Comme tous les clubs, Bayonne veut se qualifier, finir dans les six premiers…

Vous avez posé vos valises au Pays basque il y a deux mois. Quelles ont été vos premières impressions ?
Je savais ce qu’était le Top 14, ce que Bayonne visait, où le club voulait aller. Lorsque je suis arrivé, j’ai été surpris de voir que tout ce qu’on m’avait dit était vrai. Il y a tout un processus qui est mis en place et ici, on travaille très dur. J’en suis très heureux.

Comment avez-vous vécu vos premiers matchs ?
Bien. Évidemment, avec la barrière de la langue, je ne comprenais pas tout, mais au fil des semaines, des entraînements et des matchs, je me sens plus à l’aise. Je prends des cours de français, je suis en train de progresser.

Vous étiez dans les tribunes de Jean Dauger pour la rencontre face à Pau en novembre. Il se dit que, derrière, vous ne vouliez pas repartir en Angleterre…
En Angleterre, les supporters chantent la chanson du club et ensuite, ils profitent du match. Contrairement à l’Angleterre, ici, les supporters se comportent un peu comme en Argentine. C’est une chose que j’ai beaucoup aimée, mais je pense que tous les clubs de Top 14 sont comme ça. J’ai été très surpris que les supporters chantent la Peña, c’est une chose que, personnellement, je n’avais jamais vécue en tant que joueur. J’ai beaucoup aimé cela.

Avec les autres joueurs argentins, nous avons créé notre propre famille ici.

Il y a beaucoup d’Argentins à Bayonne, au Pays basque et en France en général. Quelles relations entretenez-vous avec eux ?
Avec les Argentins qui sont au club, nous sommes tous très amis, nous partageons beaucoup. Le seul que je ne connaissais pas avant de venir, était Martin Villar, qui est jeune, mais nous sommes devenus amis. À Bayonne, il y a Rodrigo Bruni, Lucas Paulos. Manuel Leindekar est Uruguayen, mais c’est comme s’il était Argentin (sourire). Il y a aussi un jeune espoir, Manex Ariceta, qui parle espagnol. On l’a intégré à notre famille. Facundo Bosch est le leader du groupe. Nous passons tous beaucoup de temps ensemble. Comme nous sommes loin de notre famille en Argentine, nous avons créé notre propre famille ici.

Avez-vous échangé avec Facundo Bosch avant de venir ici ?
Oui (sourire). Quand j’ai commencé à parler avec le club, Facundo (Bosch) et Lucas (Paulos) m’ont appelé. Ils m’ont demandé ce qu’il se passait. J’ai répondu, qu’on discutait. Facundo m’a dit de venir, qu’on allait bien s’amuser. Il m’a dit que c’était un super club, que la ville était très agréable. Ils ne m’ont pas menti. J’ai été très surpris par le nombre d’Argentins qui m’ont envoyé des messages sur Instagram en me disant : "Je vis au Pays basque, je vais te voir ce week-end". Ou alors : "Je voudrais des billets pour le match". J’essaie toujours de répondre à tout le monde pour qu’ils se sentent comme chez eux, en Argentine.

Il existe une certaine amitié entre les Argentins et les Basques. Le ressentez-vous ?
Oui, c’est vrai. Ici, les personnes vivent le rugby, comme en Argentine. Je pense que les supporters de Bayonne sont parmi les meilleurs du Top 14. C’est pourquoi je pense que ça ressemble un peu aux Argentins. De plus, les Basques sont, en général, très accueillants, ils vous aident au quotidien si vous avez besoin de quelque chose. Je ne parle pas beaucoup français et quand je vais dans un magasin, les Français essaient de me comprendre. C’est comme en Argentine, on essaye de s’entraider.

Connaissiez-vous Bayonne, lorsque vous étiez en Argentine ?
Oui. L’autre jour, je riais avec mon père, parce que j’avais un ballon de Bayonne quand j’étais petit et mon père m’a envoyé une photo de moi avec ce ballon en me disant : "Regarde la coïncidence, maintenant tu es à Bayonne". En Argentine, on connaît les clubs de Top 14. De plus, il y a deux ans, le capitaine de l’équipe, montée en Top 14, était Argentin (Mariano Galarza). Le nom de Bayonne revient souvent en Argentine.

Au début, je n’aimais pas ça, parce que je prenais des coups. Derrière, deux mois se sont écoulés et j’ai finalement dit à mon père que je voulais faire du rugby. À partir de ce moment-là, j’ai aimé ça, j’ai accroché…

Avez-vous parlé avec d’anciens joueurs comme Mariano Galarza ou Martin Bustos Moyano, avant de signer ici ?
Non. Par contre, Manuel Carizza, qui a joué à Biarritz, m’a appelé lorsque je suis arrivé ici. Il m’a dit : "Tu viens dans l’un des meilleurs endroits. Si tu as besoin de quoi que ce soit, fais-le moi savoir." Nous savons tous ce que traverse la femme de Federico Martín Aramburú, elle s’est également mise à ma disposition. Elle m’a dit que si j’avais besoin de quelque chose, elle était là pour moi. Nous sommes tous proches. L’autre jour, nous avons organisé une fête d’anniversaire et tous les Argentins se sont réunis. Nous étions vraiment nombreux. S’il y a la moindre chose ou le moindre besoin, les Argentins sont là pour t’aider. Ça permet de se sentir chez soi.

Quelle est la chose que vous préférez, les jours de match, à domicile ?
J’aime beaucoup la Peña Baiona, quand on entre sur le terrain, lorsque le public est à fond, car ça te motive et ça intimide l’autre équipe. Ensuite, à la fin du match, lorsque nous faisons le tour d’honneur et qu’à chaque tribune, il y a une célébration, c’est très sympa. Après, je vais vous dire ce que j’ai le plus aimé. C’est lors de mon premier match, quand j’ai réussi une bonne action, que tout le stade a chanté "Argentina, Argentina". Aujourd’hui, je suis là  où je veux être et j’ai une bonne pression. Je me dis que je dois rendre au public ce qu’il fait pour moi. J’essaie donc de donner le meilleur de moi-même chaque week-end.

Pour finir de vous convaincre, Nicolas Viguera, de la cellule recrutement, vous avait envoyé quelques vidéos du public chantant "Argentina, Argentina"…
Oui, je savais que le public faisait ça. J’avais vu les vidéos pour Martin Bogado, mais je pensais qu’il ne le faisait que pour des occasions spéciales. Pas pour un premier match. J’ai adoré cette sensation si spéciale, le fait d’être aimé par le peuple.

Avant Bayonne, vous étiez en Angleterre. Comment se sont passées vos années à Newcastle ?
Ce fut une très belle expérience. Aujourd’hui, j’ai beaucoup d’amis, pas seulement parmi les joueurs, mais aussi dans le staff. Beaucoup de gens m’ont aidé à grandir en tant que joueur et en tant que personne. J’ai traversé des périodes où je n’étais pas en équipe nationale et je suis revenu à Newcastle, où je me suis senti comme chez moi, avec mes amis et ma famille, donc je garde de très bons souvenirs de là-bas.

Votre aventure à Newcastle a été la première en dehors de l’Argentine. Si on repart vingt ans en arrière, quand et comment avez-vous commencé le rugby ?
J’ai commencé à l’âge de quatre ans. J’étais très jeune. Mon père jouait et ma famille a toujours été très intéressée par le sport. En Argentine, il y a beaucoup de clubs amateurs. Ma famille était très proche de "Los Tarcos", le Rugby Club de Tucumán. Quand j’étais très jeune, mon père m’y emmenait. Au début, je n’aimais pas ça, parce que je prenais des coups. Derrière, deux mois se sont écoulés et j’ai finalement dit à mon père que je voulais faire du rugby. À partir de ce moment-là, j’ai aimé ça, j’ai accroché…

Mateo Carreras sous les couleurs de Newcastle, en 2023.
Mateo Carreras sous les couleurs de Newcastle, en 2023. PA Images / Icon Sport

Qu’est-ce qui pousse un enfant à choisir le rugby plutôt que le football, en Argentine ?
Pour moi, c’est une affaire de famille. Mon grand-père, mon père, tous mes cousins, mes oncles jouent au rugby. C’est ancré chez nous.

À quel poste avez-vous démarré ?
Lorsque nous étions petits, nous n’avions pas de poste. On jouait avec le ballon et on courait n’importe où. Il n’y avait même pas de ligne de touche. J’ai ensuite commencé à jouer à l’ouverture, puis à l’âge de 15 ou 16 ans, mon entraîneur m’a fait passer à l’arrière.

Comment se porte le rugby en Argentine aujourd’hui ?
Il est en pleine croissance. Depuis les années 2007, 2008, il se développe régulièrement. En Argentine, nous avons le "“PLADAR" (Le plan de haute performance, NDLR), c’est-à-dire, les centres de formations dans chaque province, qui s’améliorent. Les clubs amateurs sont très compétitifs dans toutes les régions. Il existe, désormais, la "Súperliga Americana", un tournoi auquel participent deux franchises Argentines, une Paraguayenne, une Brésilienne, une Nord-Américaine... Avec ce "Super Rugby America", le rugby argentin se développe et ça permet d’avoir un plus large panel de joueurs sélectionnables, ensuite.

Quid de la vie en Argentine en général ?
C’est comme si je vous demandais ce que vous ressentez ici. En Argentine, il y a ta famille, c’est ton lieu de vie… J’aime retourner à Tucumán, d’où je suis originaire, parce que je me sens comme le Mateo Carreras lorsque j’étais enfant. J’y ai de très bons souvenirs. Même si la situation économique de l’Argentine n’est pas la meilleure aujourd’hui, je pense qu’elle s’améliore. C’est très agréable de rentrer en Argentine et de retrouver mes amis, mon club, mes parents… Lorsque je suis rentré de la Coupe du monde, j’ai eu droit à un cadeau. Tu te sens très aimé par tes proches.

Vous évoquez la situation économique en Argentine. Est-ce pour des raisons financières que vous aviez décidé, en 2020, de partir jouer en Europe ?
Non. Je jouais avec les Jaguares, en Super Rugby, mais à cause du Covid 19, la franchise était à l’arrêt. J’avais donc deux choix : soit ne pas jouer, soit voyager en Europe pour être appelé par les Pumas. Ce fut une décision très difficile à prendre. J’ai dû m’éloigner de ma famille et de tout le reste, mais je voulais jouer pour les Pumas. J’ai donc discuté avec Newcastle. Je voulais donner le meilleur de moi-même eu club pour, ensuite, jouer avec les Pumas.

Vous avez disputé, cet automne, votre première Coupe du monde avec les Pumas. Quel regard portez-vous sur le parcours de l’équipe ?
Finir 4e, avec les Pumas, est une très bonne chose. Les Pumas ont terminé troisièmes en 2007, quatrièmes en 2015 et quatrièmes en 2023. Après, je garde un goût amer, car je voulais jouer la finale de la Coupe du monde, je voulais décrocher une médaille avec une troisième place, mais nous avons une équipe assez jeune. Je pense que beaucoup d’entre nous pourrons prendre une revanche lors de la prochaine Coupe du monde. J’espère que l’Argentine pourra remporter une médaille.

Personnellement, comment avez-vous vécu ce mondial ?
Je me suis senti très bien. L’équipe était bien soudée, et je pense que cela a amené, à chaque joueur, la confiance nécessaire pour qu’il donne le meilleur de lui-même. Je savais que je pouvais compter sur le soutien des entraîneurs et de mes partenaires. Lorsque vous avez la confiance de votre équipe et des entraîneurs, vous vous sentez à l’aise et vous pouvez mieux jouer.

Mateo Carreras (au centre) a disputé sa première Coupe du monde en 2023.
Mateo Carreras (au centre) a disputé sa première Coupe du monde en 2023. LiveMedia / Icon Sport

Que pouvez-vous nous dire à propos de votre triplé contre le Japon ?
C’est un match que je n’ai pas apprécié personnellement, parce que nous avons marqué un essai, ils ont marqué un essai, le Japon a passé une pénalité, nous avons passé une pénalité… C’était un match très difficile. Nous avions la pression du résultat pour la qualification. C’était très agréable de marquer un triplé et d’aider l’Argentine à se qualifier, mais c’est mon boulot, au même titre qu’un centre doit plaquer le joueur face à lui.

Avec ce triplé, les projecteurs se sont braqués sur vous. Comment l’avez-vous vécu ?
J’ai toujours eu à l’esprit que lorsque vous faites quelque chose de bien, on parle beaucoup de vous et que lorsque vous faites quelque chose de mal, on parle aussi de vous. J’essaie donc toujours de rester dans la même ligne. Quand on parle de moi en bien, je ne me remplis pas la tête avec ce que l’on dit et quand on parle de moi en mal, c’est pareil. J’essaie de laisser mon téléphone portable de côté lorsque je fais un mauvais match ou un très bon match, pour ne pas penser à tout ça et rester toujours concentré.

Est-ce facile, aujourd’hui, avec les réseaux sociaux, d’éviter ces critiques et ces messages, qu’ils soient positifs ou négatifs ?
Non, surtout pendant une Coupe du monde. Ma famille m’appelait constamment, mes amis me demandaient comment allait l’équipe. Je me suis éloigné des réseaux sociaux, d’Instagram, de Twitter, afin de ne pas me remplir la tête de choses négatives ou positives. Je me suis concentré sur ma Coupe du monde, sur le fait de profiter de la compétition avec les 33 joueurs que nous étions, afin de passer le meilleur moment possible.

Aujourd’hui, quelles sont vos ambitions avec l’Argentine ?
Ça ne va pas me faire rougir de dire que je veux être champion du monde. Je pense que nous pouvons y arriver. J’ai confiance à 100 % dans le nouveau staff d’entraîneurs, avec Felipe, et dans les nouveaux joueurs. Avec les Pumas, je pense donc que nous pouvons réaliser de grandes choses.

À propos de Felipe Contepomi, que pouvez-vous nous dire sur l’entraîneur qu’il est ?
Il s’intéresse aux petites choses, aux détails. Parfois, il vous dit des choses que vous ne comprenez pas, puis vous finissez par comprendre pourquoi il vous demande de faire ça. Il est comme un entraîneur qui vit dans le futur, il a trois longueurs d’avance. Je pense que c’est un bon entraîneur, il me semble très méthodique et il a une idée très claire de ce qu’il veut faire. De plus, il sait où il veut emmener l’Argentine, parce qu’il a porté le maillot en tant que joueur.

Aujourd’hui, que manque-t-il à l’Argentine pour devenir une des cinq meilleures nations du monde ?
Je ne sais pas si c’est dû à la fatigue du calendrier, au fait que des joueurs arrivent du Top 14, d’autres de la Premiership et qu’on rejoigne les Pumas sans vacances, mais nous devons être constants, jouer chaque match de la même manière. C’est ainsi que l’on parviendra à se hisser au sommet.

Terminons avec quelques questions sur votre poste. Avez-vous des modèles à l’aile ?
J’admire Cheslin Kolbe. J’essaie de l’imiter. J’aime aussi beaucoup Will Jordan. Avant la demi-finale de la Coupe du monde, je me suis dit que j’allais essayer d’être meilleur que lui, mais aussi d’apprendre de lui, de voir comment il bouge sur le terrain, ce qu’il fait. C’est un joueur de classe mondiale. Je veux donc m’inspirer de ces deux-là pour faire de mon mieux.

Que préférez-vous faire sur un terrain ?
Je fais ce dont l’équipe a besoin. S’il y a 12-12 au tableau d’affichage, j’aime marquer un essai. Si je dois plaquer, je plaque. Si je dois gratter, je gratte. Je pense que ce n’est pas tant la satisfaction personnelle qui compte, mais ce dont l’équipe a besoin. J’aime la défense, je me sens à l’aise, c’est une zone de confort. J’aime aller au contact, batailler…

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Les commentaires (7)
noustepais Il y a 9 jours Le 25/04/2024 à 09:57

Oui les fêtes en rouge et blanc sont hyper connues

Pragmatique Il y a 9 jours Le 25/04/2024 à 08:18

Si avec ça on a pas compris qu il était Argentin..Par contre il ne semble pas vraiment connaître l histoire des Basques ayant émigrés en Argentine et qui ont contribué à édifier ce beau pays..

Nitrousa Il y a 10 jours Le 24/04/2024 à 12:30

Bonne pioche